Pour reproduire ma Pietà humaine, mes modèles se sont vus figé leur corps afin de transmettre toute la sensualité et la volupté que l’on retrouve dans le chef-d’oeuvre de Michelangelo. J’ai composé, à partir de mes tirages un accrochage monumental, afin de produire une poétique oppressante à laquelle je suis confrontée lorsque j’admire l’oeuvre originale.
La plasticité de cet objet fragile dont la surface sèche, translucide, de couleurs ternies, témoigne d’une mortalité exécutée et inspire à l’envie de la conserver. C’est la métamorphose objective de la fleur, transformation chimique mais aussi la métamorphose subjective du regard. Tout au long de mon travail j’ai cultivé, collectionné ces « reliques » de la nature. Les fleurs une à une tout au long de mon parcours ont pris leur place dans la casse typographique. Les fleurs restent regroupées par plantes les unes avec les autres. Les couleurs et la forme des pétales peuvent encore être distinguées quand elles sont séchées. Les pétales qui se courbent, laissant entrevoir leur coeur, leurs veines translucides qui se mêlent entre elles jusqu’à ce je ne sache plus les distingués séparément en les dessinant.
Les fleurs séches, « dépourvues » de couleurs, accentuant la fragilité de la vie. La manière noire qui malgré son exécution technique difficile, s’accorde parfaitement à mon sujet. En effet, venant gratter sur la surface de ma pierre enduite apportant ainsi de la lumière j’ai pu faire apparaître les contours et reliefs de ces textures délicates. Le volume, la matière, la clarté et l’espace sont comme sculptés dans le bitume. J’ai recherché le mouvement, que j’atteins avec des superpositions et des caches me permettant de dévoiler ou d’occulter certaines parties de mon dessin. Ici, je laisse la place à la volatilité, la délicatesse de la chute bien qu’elle reste encrée et inévitable dans son attraction vers le sol et la gravité dans tous les sens du terme. « Elle se crispe, se tord, elle recule » Francis Ponge. Le choix d’utilisation de la lithographie dans ce travail n’est pas anodin. Cette technique ancestrale m’offre serte de multiples possibilités de traitement mais elle est surtout une allégorie évidente de la mémoire à mon sens. On arrache une partie, aussi fine que soit la couche et on en crée une nouvelle. Mais il y a toujours un risque que des fantômes, fossiles de la pierre ou d’un précédent travail réapparaissent en des halos de lumière dans les zones d’ombre.
Le 26 Avril 1937, l’aviation nazie sous l’ordre de Hitler bombarde et détruit la ville sans défense, afin de soutenir Franco. Picasso réagit à ce drame en peignant en l’espace de quelques semaines un tableau qui connaitra une célébrité sans égale. Il apprend la nouvelle dans les journaux et découvre les images des ruines de Guernica. Anéanti par la nouvelle, il s’engage politiquement à travers son art. Mon travail est une interprétation de cette œuvre à partir de mon médium, la lithographie. Par la couleur et la répétition de forme, je dévoile mon regard alerte sur la scène de ce tableau.
Mes paysages naissent d’un projet de photographie argentique sur la matière organique, que je manipule numériquement pour résulter en un univers de paysages décomposés et incomplets, pour le recréer pendant l’impression lithographique à travers des transformations, déformations, répétitions, dispositions et superpositions que seul ce médium me permet.
La chute d’une fleur, un instant éphémère où la fleur se détache de l’orchidée. Mon travail est né de la capture de ce moment. Moment presque insaisissable et qui nous échappe souvent. Par le séquençage de sa chute, l’évocation du temps qui passe, du mouvement vers le bas, on comprend qu’il est question de mort et de fatalité. La pièce maitresse, « La mort d’une fleur », se compose de neuf éléments indissociables qui forment un ensemble matérialisant la perte. La fleur était alors épanouie et immortalisée dans des couleurs vives. L’accrochage qui évoquait à la base la chute peut également par son évolution montante insuffler l’ascension des pétales.